THE SLAVIANSK WATCHMEN (Ukraine)

Printemps 2014. Dans le sillage de la révolution pro-européenne de Maidan, à Kiev, la Russie annexe la Crimée et des manifestations « anti-Maidan » éclatent dans les bastions industriels du sud et de l’est de l’Ukraine. Très vite, le gouvernement intérimaire ukrainien doit faire face à une insurrection séparatiste armée, aux apparences populaires, mais soutenue en sous-main par la Russie voisine.
Plusieurs villes du Donbass, autour des métropoles minières de Donetsk et de Louhansk, tombent sous le contrôle de milices pro-russes. Parmi elles, Slaviansk, où travaillés par les médias russes contre ce que ces derniers appelle un « coup d’Etat fasciste » à Kiev, des locaux et des paramilitaires russes font de cette petite ville industrielle paupérisée le premier bastion armé séparatiste.
La République populaire de Donetsk est unilatéralement proclamée le 7 avril 2014. Puis les armes se mettent à parler. Les séparatistes organisent leur micro-Etat naissant à Donetsk, tandis que Slaviansk et ses 120 000 habitants sont rapidement cernés par l’armée ukrainienne. Dans une atmosphère de peur et de confrontation, les barricades se hissent et des tranchées sont creusées aux abords de la ville. Des obus commencent à tomber, l’argent vient à manquer dans les banques et la nourriture se raréfie dans les magasins.
La guerre du Donbass ne fait que commencer. Des ouvriers et des chauffeurs de taxis s’improvisent miliciens, la kalashnikov à la main. Mais dans l’ancien bâtiment des services secrets ukrainiens, au coeur de la ville, un quartier général s’improvise, bouillant, inquiétant, secret. Il est contrôlé par Igor Girkine, alias Strelkov, un ancien officier du renseignement militaire russe. Autour de ces hommes très discrets, le commandant « Chef » et ses huit soldats se relaient pour assurer la garde et contrôler tout véhicule se hasardant dans les alentours.
On y mange, on y dort, le centre-ville devient un camp militaire retranché. Une partie de la population acquise à l’idée de ce « printemps russe » vient respirer l’air des barricades, le temps d’un café ou d’une cigarette. Ces civils apportent des denrées, des petites amies viennent prendre la pose. Un quotidien absurde se met en place pour quelques jours, entre vie de quartier et drame naissant.
Le 11 mai, un référendum tenu sous la menace des armes entérinera la création de la République populaire de Donetsk. Depuis, Slaviansk a été reprise par l’armée ukrainienne, mais le Donbass a sombré dans la guerre. En quatre ans, le long d’une ligne de front d’environ 400 kilomètres, la guerre a fait 10 300 victimes, dont 2800 civils. Et les combats continuent. (Par Stéphane Siohan)